Droit des députés d'accéder à des documents détenus par l'administration

En date du 26 janvier 2021, la Cour administrative a rendu un arrêt1  important dans lequel elle confirme, voire renforce, les droits du député.

Dans cette affaire, un député avait demandé au ministre compétent, le Premier Ministre et Ministre des Communications et des Médias la communication des contrats et conventions conclus en 2017 entre l’Etat et « RTL Group ». Le Ministre lui en avait refusé l’accès en raison de l’existence d’une clause de confidentialité et d’un risque d’action en responsabilité contre l’Etat.

Saisi d’un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle de refus de communication des documents demandés, le tribunal administratif, qualifiant cette décision d’acte de gouvernement, s’était déclaré incompétent pour connaître du recours2 .

Ce jugement a été réformé par la Cour administrative dans son arrêt du 26 janvier 2021.

La Cour a d’abord rappelé la compétence du juge administratif pour connaître d’un recours dirigé contre des décisions de refus d’accès à des documents détenus par l’administration et constaté qu’en l’espèce, la décision de refus litigieuse était motivée non par des motifs politiques mais par des motifs d’ordre purement juridique, ce qui excluait la qualification d’acte de gouvernement.

Statuant sur le fond du litige, la Cour a d’abord considéré, en se référant à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (arrêt du 28 mai 2019), que dans une démocratie parlementaire, un député « en tant qu’élu au suffrage universel, représentant de la Nation en vertu de sa mission permanente du contrôle de l’exécutif, jouissait du droit d’accès à des documents détenus par l’administration, sauf les exceptions légitimement prévues, du moment que cet accès servait précisément à sa mission de contrôle ». En l’occurrence, le député avait clairement énoncé l’objectif de sa demande, à savoir le contrôle de l’ancrage du RTL Group au Luxembourg et les mesures gouvernementales pour conforter cet ancrage. L’accès à ces contrats lui avait été refusé au motif que le député, non signataire de ces contrats, serait à considérer comme un tiers auxdits contrats. La Cour administrative en a décidé autrement : au vu du statut du député et de « sa double mission de représenter le pays en tant qu’élu de la Nation, détenteur par délégation d’une parcelle de la puissance souveraine et de contrôleur de l’action du gouvernement, investi d’une mission permanente afférente, […] le député est à considérer non pas comme tiers par rapport à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, mais en tant qu’organe de cet Etat habilité à avoir connaissance, ès-qualités, des contrats et conventions conclus au nom de l’Etat […] ».

La Cour a estimé dans ce contexte que la situation des députés est « quelque sorte comparable, au niveau d’une société de droit privé, à celle des organes de contrôle par rapport aux organes de gestion courante et de direction de la société ».

Le député est dès lors en droit d’obtenir communication de ces contrats. Le corollaire est que le député est lui aussi soumis à la clause de confidentialité stipulée dans les contrats.

La Cour administrative étant la juridiction suprême de l’ordre administratif, ses arrêts sont définitifs et aucun recours ne peut plus être formé contre l’arrêt du 26 janvier 2021.

Après l’arrêt du 28 mai 2019 de la chambre du conseil de la Cour d’appel3  ayant décidé que : « l’immunité parlementaire couvre [encore] l’utilisation d’information ayant trait au dysfonctionnement de sources étatiques, fussent-elles obtenues en violation d’un secret professionnel, sans quoi un député d’opposition ne saurait jouer son rôle d’organe de contrôle », c’est la deuxième fois qu’une juridiction a dû confirmer les droits des parlementaires face au gouvernement.

1 N° 44997C du rôle.
2 Jugement du 12 août 2020 (n° 43866 du rôle).
3 Arrêt n° 495/19 Ch.c.C.)