Garnishment order against economic beneficiaries

This verdict validates a garnishment order which does not target the debtors themselves but which applies to the two companies of which the debtors are economic beneficiaries.

Deux décisions contradictoires ont été récemment rendues dans une même affaire en matière de saisie-arrêt. Si l’une d’entre elles illustre le rôle grandissant que jouent les bénéficiaires économiques dans le paysage juridique luxembourgeois, l’autre pointe également la difficulté rencontrée par les juges à admettre cette nouvelle place.

Alors que traditionnellement, les juges considéraient qu’une saisie-arrêt ne pouvait être pratiquée qu’à charge du débiteur du saisissant, et non d’un tiers, même ayant des liens économiques avec le débiteur, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a accepté de valider une saisie-arrêt pratiquée non à l’encontre des véritables débiteurs du créancier mais à l’encontre de deux sociétés dont ces véritables débiteurs étaient bénéficiaires économiques (jugement civil 2019TALCH01/00166 du 15 mai 2019).

La saisie pratiquée à l’encontre ces sociétés venait d’être levée par le juge des référés pour les raisons habituelles (« application du principe fondamental selon lequel les personnes morales, telles que les sociétés 1 et 2, sont dotées d’une personnalité juridique, propre et distincte de celle des actionnaires, dirigeants et bénéficiaires économiques ») lorsqu’elle a été validée par le juge du fond.

Ce dernier, dont le jugement de validation se basait sur une décision tchèque de condamnation, exequaturée au Luxembourg, très détaillée sur les liens entre les bénéficiaires économiques et les débiteurs saisis, a en effet décidé ce qui suit :

  1. « La saisie ne peut, en principe, être pratiquée qu’à charge du débiteur et non d’un tiers même si celui-ci a des liens économiques avec celui-là ; la réalité juridique doit, en règle, prévaloir nonobstant une certaine identité économique entre le débiteur poursuivi et un tiers. Celui-ci ne pourrait être tenu comme débiteur qu’en cas de simulation, de confusion et généralement d’attitude fautive engageant sa responsabilité envers le poursuivant (…).
  2. Le tribunal constate qu’en l’espèce, la société [créancière] a expressément et nommément identifié les sociétés auxquelles elle fait référence dans l’exploit de saisie-arrêt du 13 mai 2016 dont les [débiteurs 1 et 2] seraient bénéficiaires économiques ou juridiques, à savoir les sociétés [1, 2 et 3].
  3. Par ailleurs, il résulte des termes du jugement rendu par le Tribunal Supérieur de Prague en date du 17 octobre 2012 que les infractions d’abus de biens sociaux et de fraudes dont [les débiteurs 1 et 2] ont été reconnus coupables par les juridictions tchèques ont été commises par l’intermédiaire des sociétés [1, 2 et 3] et notamment à l’aide des différents postes que [les débiteurs 1 et 2] occupaient au sein de ces sociétés. Ces trois sociétés sont ainsi activement intervenues dans la commission des actes frauduleux mis à charge [des débiteurs 1 et 2]. A ce titre, le voile sociétaire doit céder pour assurer le recouvrement des dettes mises à charge [des débiteurs 1 et 2] par suite d’agissements auxquels ont pris part ces sociétés.
  4. Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, la saisie-arrêt est à valider dans la mesure où des sommes, deniers, effets, titres ou valeurs que la société [tierce-saisie] détient pour le compte [des débiteurs 1 et 2], pris en leur qualité de bénéficiaires économiques des sociétés [1, 2 et 3], sont concernés. »

Alors que la dissimulation d’un débiteur derrière une société écran lui a longtemps permis d’échapper à ses créanciers, cela risque de devenir plus difficile, du moins en matière de saisie-arrêt et à condition que le créancier soit en mesure de démontrer la participation de la société aux actes litigieux de son bénéficiaire économique.

Si cette décision de première instance est confirmée en appel, la vie deviendra peut-être un peu plus compliquée pour les débiteurs indélicats.

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